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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/79

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tous, personne au dix-huitième ne l’approfondit davantage et ne l’explique mieux que Buffon ; non seulement il la fait progresser par ses utiles observations et ses grandioses hypothèses, mais encore, et son ambition ici est la même que celle des Encyclopédistes, il la popularise, il la fait connaître et aimer des plus ignorants. Et enfin l’esprit qui anime toutes ses recherches est exactement celui qui guide, quand ils sont bien inspirés, les Encyclopédistes et surtout Diderot, un esprit exclusivement scientifique, que n’entravent ni les préjugés métaphysiques ni les scrupules religieux : c’est à savoir la raison et la raison seule appliquée à la recherche et à l’interprétation des faits ; car « pour les gens sensés, dit Buffon, la seule et vraie science est la connaissance des faits. » Que si les systèmes des philosophes ou les récits de la Genèse ne s’accommodent point de ces faits et de leur explication rationnelle, c’est tant pis pour ces systèmes et pour ces faits, car « il faut aller dans cette route jusqu’où elle peut conduire. » Or, les défenseurs de la religion savaient parfaitement où conduit la route dont parle Buffon et qu’on appelle la méthode expérimentale : aussi ne se sont-ils pas mépris un seul instant sur la portée philosophique de l’Histoire naturelle, et Buffon avait beau user de subterfuges pour « ne pas mériter que son livre fût mis à l’index », et pour éviter « les tracasseries théologiques », les théologiens l’ont confondu, dans leur animadversion, et c’était lui rendre justice, avec les iconoclastes de l’Encyclopédie et nous verrons les attaques contre l’Histoire naturelle alterner, dans les apologétiques du temps, avec les attaques contre l’Encyclopédie. De même que, dans sa fameuse diatribe contre les philosophes à l’Académie, Le Franc de Pompignan prenait à partie Buffon immédiatement après d’Alembert, de même, dans ses Helviennes (1781) dirigées contre les Encyclopédistes, Barruel s’écriera : « On nous dira peut-être qu’il ne faut pas confondre M. de Buffon avec ces fanatiques. Mais combien de gens ne voient dans ses efforts qu’une simple précaution contre la Sorbonne et quelquefois même qu’une vraie dérision ! » Et de