Aller au contenu

Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Grimm et Diderot de faire la sourde oreille ; « On ne saurait, écrit-il en même temps à Mlle Volland, arracher un cheveu à cet homme sans lui faire jeter les hauts cris ». Il connaît bien le personnage, lequel, dit-il ailleurs, en veut à tous les piédestaux ; et Diderot est homme à défendre le sien.

On voit que Voltaire n’est pas absolument, comme on l’a dit, le chef et le maître du parti encyclopédique : il ne réussit pas, autant qu’il le voudrait, à « unir le petit troupeau », il entendait par là : à le faire marcher sous sa houlette. Voilà, en somme, bien des raisons pour qu’il n’hésite pas à se séparer de ses amis au premier signal du danger. De fait, devant l’orage amassé par le livre de l’Esprit, d’Helvétius, en 1758, il se hâte de fuir : il sait d’Alembert très avisé, et celui-ci s’étant retiré, il s’empresse, à sa suite, de battre en retraite, car il est indéniable que, « si la liberté a quelque chose de céleste, le repos vaut encore mieux. » À partir de l’article Histoire, il n’enverra plus rien, si ce n’est pourtant deux articles pour le troisième volume : encore les adressera-t-il à d’Argental avec prière de n’y pas mettre son nom. En vain Diderot le supplie-t-il de revenir à lui, rien ne peut plus désormais le faire sortir de sa tente ; il va même jusqu’à vouloir retirer ses enjeux, jusqu’à redemander à Diderot ses articles et tous ses papiers concernant l’Encyclopédie. Diderot, soit dédain, soit pure négligence, ne répond pas à cette demande qui, renouvelée, devient une sommation : « Qu’il me restitue mes papiers, insiste Voltaire auprès de d’Alembert, je ne sais ce qui peut autoriser son impertinence ». Peu à peu, il ne lui suffit plus d’avoir déserté : il faut que tout le monde le suive ; car, lui parti, il ne doit plus y avoir d’Encyclopédie. Que vaudra-t-elle désormais « sans la liberté » (c’est-à-dire, sans Voltaire), dont elle ne peut se passer ? Cette liberté, c’est lui qui se charge maintenant de l’assurer aux Encyclopédistes : qu’ils viennent se faire imprimer à Lausanne, il « a de quoi les loger et très bien » ; et il les gouvernera mieux encore, quand ils seront ses hôtes. Mais Diderot résiste, il aime