Page:Dufay - L’Impôt Progressif en France,1905.djvu/93

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Supposons que ces 6.000 contribuables, pour éviter les frais s’ajoutant à leurs cotes, forment entre eux une sorte de conjuration et s’entendent pour porter à leur honorable percepteur, chaque fin de mois, le 1/12 de leur cote, c’est-à-dire 2 sous, 3 sous et, les plus forts, 5 sous. Le 31 janvier 1905, à l’ouverture du bureau, 6.000 pauvres (peut-être 12.000 en comprenant les femmes et les enfants) remplissent les rues de la Croix-Rousse. Quelle émotion dans le monde politique ! quelle troupe faut-il pour disperser ces insurgés ? Aucune ; ils viennent rendre à César ce qui est à César ; ils se conforment à une loi formelle, ils contribuent à la prospérité de l’État dans la mesure de leurs moyens, et même au delà, ultra vires, comme disent les jurisconsultes. Bonne journée ; M. le percepteur a encaissé 1.500 fr., délivré 6.000 quittances de 2, 3 et 5 sous, passé autant d’écritures et émargé autant de rôles. Mêmes cérémonies à la fin des autres mois. Total : 72.000 quittances, sans compter les autres, peut-être aussi nombreuses, données par les divers encaissements de la perception.

Ceci surpassant de beaucoup la puissance de travail d’un homme, M. Turquan en avertira probablement M. Rouvier par une lettre recommandée à peu près ainsi conçue :


Croix-Rousse, 31 décembre 1905.



Monsieur le Ministre,


C’est un miracle si je suis encore de ce monde. De mémoire de percepteur on n’a vu un semblable phénomène. C’est toute une révolution. Figurez-vous que mes contribuables de la Croix-Rousse se sont donnés le mot et que, pour éviter 42 % de frais