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Nous avons pris pour appréciation en cette matière les déclarations de l’actif des successions ; il faut cependant rappeler encore que les valeurs mobilières au porteur et les valeurs étrangères échappent aux investigations du fisc pour une part difficile à déterminer. On peut, toutefois, tenir pour certain que les grandes fortunes surtout trouvent là un moyen de dissimuler une part plus ou moins importante de leur actif. On a cité dernièrement la fortune de M. Alphonse de Rotschild dans laquelle on aurait compris seulement 900 millions. Or, certains journaux et certains publicistes prétendent qu’elle doit s’élever à plusieurs milliards, en faisant remarquer qu’il avait lui-même reçu par héritage une fortune déjà égale à cette somme, il y a trente ans ; le simple jeu automatique de l’intérêt

    possesseur de 83 millions de francs, placé au sommet de la hiérarchie féodale moderne, paie autant d’impôts, d’impôts indirects notamment, que les 334 648 individus placés au bas de cette hiérarchie, et possèdent, tous réunis, une égale richesse. Ce citoyen, 83 fois millionnaire, supporte certainement mille fois moins d’impôts que ces derniers, et cependant sa fortune est égale à la somme totale du petit avoir de chacun de ceux-ci. Bien mieux, il ne supporte rien si sa fortune est toute entière en rentes ou en certaines valeurs mobilières. Voilà ce fameux impôt sur la chose, si vanté par M. Jules Roche et par les partisans du veau d’or toujours debout. N’est-il pas démontré par cet exemple que nos impôts, ne tenant pas compte de la situation individuelle du contribuable, n’ont aucune proportion avec ce qu’il possède.
    Admettons l’hypothèse du grand orateur et faisons payer au possesseur des 83 millions un impôt égal à ce que paient les 334 626 contribuables possédant aussi 83 millions, et nous verrons qu’en moins de trois ans, les 83 millions du premier auront passé tout entiers dans la caisse du Trésor qui joue dans notre mythologie financière le rôle du tonneau des filles de l’antique Danaüs. — Ou bien ne faisons payer à ces 334 626 possesseurs de 83 millions qu’un impôt égal à celui que paie le possesseur de semblable somme ; nous les verrons dans la joie de ne plus payer que 20 ou 40 sous chacun au lieu des 20 ou 40 francs qu’ils supportent actuellement.