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une inspiration du ciel. Qu’eût-il fait dans cette ville, sans surveillance aucune, oublié ou renié par ses plus proches, livré aux mauvaises compagnies, et finalement rebuté des uns et des autres ? La lèpre du vice n’eût pas tardé à l’envahir, étouffant les bons germes qui étaient innés en lui, et il serait descendu peu à peu au dernier degré de l’échelle morale. Remarquons toutefois que, malgré le délaissement général des siens, il ne cessa d’aimer passionnément sa patrie, et que plus il croyait avoir à se plaindre de ses concitoyens, plus il sentait grandir son amour pour Genève. Chez nul homme la puissance de l’esprit national ne fut plus forte.

Cette possession prématurée de la liberté avec un fonds aussi riche que le sien devait tôt ou tard porter ses fruits. Tant que sa raison ne fut pas assez développée pour lui servir de guide, il se jeta à droite et à gauche sans discernement mais toujours avec passion, n’abandonnant l’objet de ses observations qu’après l’avoir étudié jusqu’à en être las. Les produits de ces diverses études, logés dans un coin de son cerveau, finirent par amener la lumière, d’abord confuse, peu à peu plus nette et plus distincte. Lorsqu’il eut compris que « les sciences s’attirent, s’aident, s’éclairent mutuellement, et que l’une ne peut se passer de l’autre, » de ce jour-là commença