Page:Dufour-Vernes - Recherches sur J.-J. Rousseau et sa parenté, 1878.djvu/42

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bonhomie sans malice, et un certain fonds d’honnêteté pieuse, avec laquelle il se fit une religion à lui, il eut aussi de la même source l’amour-propre qui est chez nous à haute dose, et l’égoïsme trop souvent, hélas ! voilé par des dehors de générosité. Il avait le sang chaud du républicain, cette soif de l’indépendance qui donne souvent l’horreur du devoir et qui lui a fait commettre des actes de lâcheté. Lorsqu’elle n’est pas contenue et réglée par l’éducation, cette passion nous fait osciller tantôt du bon, tantôt du mauvais côté. Elle engendre alors cet esprit de contradiction qui critique toujours, et n’est jamais satisfait de rien, ni de personne, ces bizarreries qui font parfois du Genevois, comme elles ont fait de Rousseau, une sorte de boîte à surprise. Mais ce qui a manqué par-dessus tout à Jean-Jaques, ce fut la notion du devoir, dont l’absence s’était déjà fait sentir parmi les siens, et forme le trait d’union de ses deux familles paternelle et maternelle, lors même que la seconde paraisse avoir eu un niveau moral plus élevé que la première. Rousseau prêche le travail facile et attrayant, et ne veut pas du travail obligatoire. Avec de tels vices et de telles qualités, il fut comme la plante qui croit en rase campagne, au bénéfice de la pluie et du soleil, et qui donne souvent des fleurs plus éclatantes que celles qu’on cultive avec tant de soin dans les jardins.