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Voici encore pour terminer deux lettres inédites de J.-J. Rousseau, également adressées à Jacob Vernes. La première fut écrite à la suite de son séjour de 1754 à Genève ; elle offre une nouvelle preuve de la passion malheureuse de Rousseau pour Voltaire. La seconde, qui est plutôt un billet, est sans date et n’est pas signée ; elle est écrite sur la lettre même que Vernes adressait à Jean-Jaques. On y retrouve la simplicité qui faisait le fond de ce philosophe malgré lui.

Paris, le 2 janvier 1755.

Il y a longtemps, Monsieur, que je veux vous écrire et que je n’en fais rien. Car, quand je me mets à causer avec vous, je vous ai plus dit de choses en une minute au fond de mon cœur que je ne pourrois vous en écrire en deux heures, et cela me dégoûte de prendre la plume. Sachés-moi donc un peu de gré de ma négligence, et quand vous aurez à me la reprocher, dites-vous bien à vous-même : il ne m’écrit point, mais il m’aime toujours.

Je savois déjà que Monsieur de Voltaire alloit à Genève et de là à Prangin. Quand vous négligés de voir ce premier Écrivain de son siècle, vous ne connoissez pas tout le sacrifice que vous faites à la vertu, car il n’est pas seulement le plus bel esprit, mais le plus aimable des hommes en société, et si l’on pouvoit commercer avec son esprit seulement, il faudroit passer la vie à ses genoux. Pour moi, quoiqu’on en puisse dire, je connois