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Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/12

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soudain apparue, aucune précaution n’atténue, aucun souci d’expliquer ne délaie l’idée. Point de langes encore à la pensée ; elle est là toute nue, telle qu’elle fut enfantée.

Ces pages sont encore peu connues. Mais elles ne paraîtront pas indignes des Moralités légendaires, où pourtant se joue une si déconcertante ironie, ni de ces poèmes qu’éclaire, selon la belle expression de Maurice Maeterlinck, le « sourire de l’âme » Elles abondent en aperçus originaux ; les lisant, on admire combien le goût de cet adolescent était délicat et son jugement sûr, — aussi combien sa dialectique était efficace. Il y a là des réfutations décisives et des confirmations précieuses. Cette « esthétique » est attendue. Elle est l’adéquate formule de nos aspirations, de nos affinités, de nos préférences. Ce trésor sera, sans doute, de nombreuses années, monnayé par les critiques.

J’ai résumé la philosophie de l’art de Laforgue dans une conférence, que je fis, le 11 mars dernier, à l’exposition de la Libre Esthétique, — au milieu des œuvres de Manet, de Renoir, de Degas, de Monet ; de Seurat, de Signac, de Van Rysselberghe : toutes les époques de l’impressionnisme. Les pages que j’analysais et citais étaient la glose ingénieuse et persuasive de ces tableaux. En retour, je n’avais qu’à montrer les toiles pour illustrer d’exemples les déductions de Laforgue. Voulant refaire ici l’exposé de ses idées, en les ordonnant et conciliant, je regrette de ne les pouvoir plus confirmer par ces « preuves ».