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Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/16

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convention. Vous faites de l’abstrait ; vous sortez du réel. Dira-t-on, selon la formule de Taine, que le plus beau ciel sera le plus « stable » ? Ce qui nous plaît, dans les ciels de Constable, c’en est précisément la mobilité. On y sent le vent qui pousse les nuages et en fait courir l’ombre sur les terrains et les eaux. Le soleil, qui est l’objet le plus « stable « de l’univers, n’est pas pour « l’éphémère » poète, dont la règle est l’imitation de Notre-Dame la Lune, plus intéressant que « le regard de l’éternelle femme aimée ». Une rêverie de Shelley et un sonnet de Baudelaire ne lui semblent pas inférieurs à un chant de Virgile ou à une ode de Pindare. C’est qu’en réalité toutes les manifestations de la force unique et inconsciente, qui est le principe du monde, sont aux yeux du philosophe d’égale importance.

Prenant pour critérium la permanence et la généralité des caractères, Taine met la peinture dans la dépendance des lettres. — « Vous faites entrer dans vos appréciations des éléments littéraires en admirant les petits Flamands pour leur art de manifester l’essentiel d’une race et d’un siècle. » — En effet, leurs « intérieurs » nous intéressent par l’interprétation du clair-obscur et point par la signification sociale. Ils ne sont que par surcroît, sans préméditation, des documents pour l’historien. Au contraire de Taine, à qui les petits Hollandais agréent « parce que ce sont des bourgeois contents de vivre, point excentriques, point hypertrophiés, » Laforgue estime qu’ils ont fait « de la peinture littéraire de bourgeois médiocres, sans génie (génie, élu de l’Inconscient) ». La fin de la peinture n’est pas de