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Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/17

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prouver, mais de peindre, de faire vrai, de nous plaire et tout ensemble d’aiguiser notre sensibilité, d’aider, par conséquent, l’évolution de l’Inconscient vers la conscience.

C’est par des considérations littéraires ou historiques que nous nous détachons du présent, le seul qui nous intéresse en dehors de tout parti pris, et que nous préférons les monuments du passé aux œuvres de l’art contemporain. Celles-ci ont été conçues à notre image ; elles portent la marque de nos goûts, de nos préjugés, de nos modes. Ce sont les seules dont nous puissions avoir une intelligence parfaite. Elles nous causent un plaisir immédiat. Nous ne jouissons des autres qu’après raisonnement. Dans cette querelle toujours renaissante des anciens et des modernes, notre penchant est vers les modernes ; il nous faut forcer notre naturel pour nous ranger du parti des anciens. — « Littérairement, avec des goûts d’historien, d’antiquaire, nous pouvons être amoureux sincèrement d’un type de femme du passé, Diane chasseresse, l’Antiope, la Joconde, Marie la Sanguinaire, la Muse de Cortone, la Junon de la villa Ludovisi ou Mlle de Lespinasse, Mlle Aïssé, ou Poppée, femme de Néron ; — mais telle grisette de Paris, telle jeune fille de salon, telle tête de Burne Jones, telle Parisienne de Nittis, etc., la jeune fille d’Orphée de Gustave Moreau, — nous fera seule sangloter, nous remuera jusqu’au tréfonds de nos entrailles, parce qu’elles sont les sœurs immédiates de notre éphémère, et cela avec son allure d’aujourd’hui, sa coiffure, sa toilette, son regard moderne. »