Aller au contenu

Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

variations de la mode, pourquoi préférer le gymnaste grec au moderne adolescent amenuisé par le luxe et le plaisir, l’exclusif développement, cérébral ? — « Le nu d’une grisette déformée par le métier ou le nu grêle d’un Donatello n’est il pas aussi intéressant que celui de la Diane chasseresse ?… Et les bustes des Césars de la décadence, si congénères des nôtres, ne sont-ils pas aussi intéressants que les têtes des Niobides ? » — Remarquez combien de fois ce mot Intéressant revient sous la plume de Laforgue. C’est que, pour lui, tout est là : être intéressant. Il pose ce postulat non par dilettantisme, mais par philosophie.

Accordons encore que le nu soit supérieur à l’habillé. Qu’au moins le corps humain nous soit montré au naturel. Laforgue se demande quelles réflexions doivent faire les femmes devant les toiles où on les flatte, en retranchant certains détails. — « N’ont-elles pas honte de leur réalité complète et des méfiances sur l’homme qui pour le beau supprime ces réalités ? » — Dans un couplet où il donne cours à sa verve, il oppose le Saint Jean de Rodin, — « des rides aux orteils, pour lui uniquement le travail de l’attache de l’épaule gauche et de son coude et du dos tel quel, muscle à muscle, sans recette, ni fini harmonieux, et la puissance d’attache des cuisses, et la cuisse droite tendue avec son gonflement énorme, et calé à terre avec ses pieds et non soulevé avec des ailes de marbre, et la poitrine sale, discrète en reflets, du tout pavé de fonderie, » — aux marbres convenus d’alentour : « Ventres sans tripes, cheveux sans sève, » cous sans déglutition, pieds d’anges, peaux sans sueur,