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Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/22

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épaules sans existence, sans même le poids de l’air, nés à cet âge-là, n’ayant jamais poussé, ni nés ni poussés, n’ayant jamais eu d’égratignures, nez inmouchables, bouches sans salive, fesses sans sphincters, fronts uniquement occupés de cette idée : « Est-ce assez ça, hein ? »

Au contraire de Taine, Laforgue est si épris du détail, de l’accidentel, du contingent, du transitoire — et de la vérité qu’il revendique la polychromie pour la sculpture. Sans doute, il admet les conventions du marbre et du bronze monochromes, — « mais, de même qu’au-dessus d’une scène reproduite en gravure, je mets cette même scène reproduite avec toute sa vie de tons et de valeurs dans l’atmosphère, etc., autant je mets au-dessus d’un buste en marbre ou en bronze, ce buste, en cire, par exemple, avec les yeux bleus ou noirs, des lèvres rouges ou exsangues, les cheveux et la parure, etc. » La sculpture grecque, dont toujours est méconnu le réalisme, était polychrome.

Encore une raison pour n’admettre point l’idéal de Taine : la sculpture devient, pour lui, la somme de l’art ; la peinture en est, au vrai, exclue. — « N’a-t-elle pas voix au chapitre ? Et avec elle ce qu’ignore la statuaire, et qui est cependant toute l’optique, toute la peinture d’aujourd’hui et de l’avenir : outre la perspective linéaire et colorée, — les richesses infinies de la perspective atmosphérique, l’air, la physiologie des masses transparentes, perpétuellement ondulatoires, de l’atmosphère avec sa vie prodigieuse de corpuscules disséminés, sympathiques ou antipathiques, à réflexion ou