Page:Dufour - Étude sur l’esthétique de Jules Laforgue, 1904.djvu/47

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suit la méthode « documentaire déterministe », Laforgue s’en écarte par ce « brin de foi nouvelle », qui corrige en lui l’excessive sérénité du savant. Pénétré par la philosophie de Hartmann, il en déduit une théorie de l’art ; il défriche un champ que son maître avait laissé inculte ; il engrange une abondante moisson d’idées, d’aperçus, de définitions, de jugements. Vaguant

Par les blancs parcs ésotériques
De l’Armide métaphysique,


il cueille des fruits inconnus. Même quand il philosophe, il demeure poète, parce qu’« il nomme ». Pour paraphraser Maeterlinck, il a vu des choses nouvelles dans leur beauté et dans leur vérité, et les mêmes choses que d’autres auparavant avaient vues, il les vit dans une beauté et dans une vérité nouvelles.

Mais surtout il aima et servit l’art dévotement. Il écrit : « Un peu plus de piété ! L’art n’est point un devoir de rhétorique d’écolier, c’est toute la vie. » S’il le définit un agent de l’Inconscient, son dessein est de l’affranchir et aussi de l’ennoblir : infini, éternel, infaillible, comme la Loi même de l’univers :

L’Art est tout, du droit divin de l’Inconscience.
Après lui, le déluge ! et son moindre regard
Est le cercle infini, dont la circonférence
Est partout, et le centre immoral nulle part.


La Roche-Guyon, avril 1904.