XVI
Un reflet de lune éclaire, comme un sourire de vierge, la large véranda du logis LeBrun. Une ombre argentée drape de rose la petite ville de Saint-Paul-du-Gouffre. Il est dix heures. Autour du lustre de la façade volètent des bestioles de toutes sortes. L’air est doux et calme. Du côté de l’est, une fraîcheur monte de la rivière silencieuse. Après la journée de chaleur torride qui vient de finir, il fait bon vivre dehors, sous un ciel rempli de points lumineux, piqués sur un fond pâle. Le souffle embaumé de la nuit caresse mollement les visages de Jules et de Françoise, qui causent sur un ton de demi-confidence. Ils regardent les dessins qu’ils ont brodés sur le canevas de leur passé tout récent. S’ils ne les trouvent pas aussi réussis qu’ils les auraient désirés, ils les aiment quand même et ils en tirent une certaine gloire.
L’âme humaine, l’âme de celui ou celle qui a un peu vécu, ressemble souvent à un oiseau blessé. Un oiseau blessé se sait incapable de suivre le vol de ceux de ses congénères dont les ailes n’ont pas