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Page:Dufour - Vers les sommets, 1935.djvu/28

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VERS LES SOMMETS

plats réchauffés, car il m’est souvent arrivé de vous entretenir de ma longue vie de marin.

Il vint déposer sur le cendrier le reste de son cigare éteint depuis une demi-heure. Personne n’osa renouveler l’invitation. On vit qu’il avait besoin d’un peu de repos. Mais avant de quitter, il dit :

— Savez-vous qu’on ne peut pas exprimer ce qu’on a ressenti, quand ce qu’on a ressenti dépasse en beauté le beau que peut traduire la parole humaine ?

— Je vous comprends bien, dit Françoise. Il est vrai que je n’ai pas encore beaucoup vécu, ni vu, ni entendu, mais des plaisirs en moi ont chanté avec tant de force que je les déformerais en essayant de les évoquer avec des mots de notre langage.

— Par exemple, mes enfants, reprit-il, pourrais-je rendre d’une façon qui s’approchât un peu de la vérité le bonheur indicible que j’éprouvais au cours des interminables dialogues qui s’engageaient toujours entre elle et moi dans mes heures de vigie ? Non, non, impossible, impossible ! Il faudrait savoir parler comme parlait le pinceau enchanté d’un Raphaël !