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L’Histoire grecque rapporte un de ces exploits du « moral qui gagne les batailles ». L’oracle de Delphes avait prescrit aux Spartiates, toujours battus par les Messéniens, de demander un général aux Athéniens, s’ils voulaient vaincre. Or Athènes, peu soucieuse de grandir sa rivale, lui envoya, pas même un orateur, un mauvais poète boiteux, Tyrtée, tout le contraire de ce qu’on attendait. Mais voilà bien que Tyrtée, au lieu de s’empêtrer dans la stratégie qu’il ignore, compose des chants guerriers qui surexcitent le courage des Spartiates, puis il les lance au combat, qui est tout de suite la victoire. N’y a-t-il pas de cela dans les harangues à cymbales de Chauveau, de Loranger, de Thibault, de Routhier, de Chapleau qui nous semblent maintenant du bien plus léger que l’air, mais qui ont probablement retenu ou ramené au pays beaucoup de familles, et qui ont sûrement déterminé nos exilés à ne pas changer le nom, la langue ni la foi de leurs enfants.

En 1874, 1884 et 1909, la Société de Montréal, et en 1880 celle de Québec, donnent des fêtes grandioses, suivies de conventions nationales dans le but de réunir et d’organiser les forces de la race. Des délégations ou des télégrammes partis de tous les coins de l’Amérique viennent jurer la fidélité des mille groupes de la dispersion. On admire les processions immenses, les chars allégoriques et historiques montrant saint Jean-Baptiste, Religion et Patrie, l’Agriculture, l’industrie, Jacques Cartier, Champlain, Lévis, Madeleine de Verchères, Salaberry, la Mort de Montcalm, etc., les chars de métiers, la forge, l’imprimerie, la cabane à sucre, les menuisiers, les ferblantiers, les tailleurs de pierre ; puis les délégués des Sociétés Saint-Jean-Baptiste ; il y en a de partout : de Cohoes, de Détroit, de Bay-City, de Rochester, du Dakota, du Vermont, de l’Illinois, du Montana, et bien des acclamations jaillissent en 1880 et bien des prophéties, qui manqueraient d’objet en 1923. Et les fanfares jouent, et les banderoles claquent dans le feuillage, et les couleurs vives et les dorures brillent au soleil, rien ne manque de ce qu’il faut pour donner le frisson patriotique aux enfants et pour exciter la fierté populaire. Même les Anglo-protestants admirent ces déploiements ; en 1909, la Gazette se