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accessibles, et les terres ne se sont pas défrichées parce que nos gens émigraient.

Notre population de 1,111,566 âmes, en 1861, qui aurait dû se doubler presque deux fois et dépasser quatre millions en 1911, au lieu de deux petits millions, devrait aussi avoir doublé deux fois la superficie défrichée de notre province ; partant, les 10,375,418 acres de terre occupées en 1861, à cette époque où l’on proclamait patriotiquement que la colonisation allait enfin marcher, devraient s’étendre aujourd’hui à quarante millions d’acres, presque 10 % de notre carte provinciale : nous n’en couvrons que 3 ½ %, 15,613,000 acres. Les 105,671 occupants de terres de 1861, qui devraient être plus de 400,000 ne comptent que 159,554 ; ils ont même fléchi de 15,000, ces vingt dernières années. C’est le fiasco parfait, non seulement de l’immigration, et même de la colonisation, mais de toute l’agriculture québécoise au dix-neuvième siècle. C’est la désertion en masse d’une race agricole, qu’on ne veut pas guider efficacement vers les quatre cent mille terres qui l’attendent et qu’elle ne connaît pas.

Depuis la guerre, quoi de neuf dans la production de nos fermiers ? Ont-ils ensemencé les vieilles terres jusqu’au dernier pouce ? Ont-ils converti en blé, pâturages ou légumes les plaines de l’Ouest et nos forêts de l’Est ? Ont-ils fait le Service National dans les champs de maïs ou de pommes de terre ?

Non : un grand nombre se sont enrôlés, un autre grand nombre ont quitté leurs fermes pour aller en ville tourner des obus ; le plus grand nombre peut-être a déserté aux États-Unis : 84,886 Canadiens, autres que des citoyens des États-Unis, ont passé la frontière en 1915 ; en 1916, 118,136 ont pris le même chemin, et ça empire toujours à mesure que l’on craint davantage la conscription du travail ou des armes. Il faut bien noter qu’on ne parle