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Notre clergé n’usera-t-il pas de son crédit auprès du peuple pour lui montrer cette carrière toujours nouvelle de la colonisation, et même, tout directement, pour le recruter et le conduire aux bons endroits, à la Terre Promise ?

Résumons : dans l’intérêt de la cause religieuse et nationale, il faut arrêter le coulage ruineux de nos émigrants, il faut garder nos gens chez nous, les canaliser vers les terres neuves pour donner à nos campagnards des fermes pour tous leurs fils. Québec est un immense empire qu’il faut peupler : faisons, avec mesure sans doute, comme tous les bâtisseurs d’empire, tel ce Frédéric II de Prusse qui décréta l’accroissement de la population, tout comme la levée de l’impôt et de la milice, qui embaucha et fit même enlever des paysans des contrées voisines, surtout les colosses ; tels aussi nos voisins les Anglais dans leur propagande pour coloniser l’Ouest.

Plusieurs de nos patriotes s’occupent, en ville, de corriger notre langage de propager les annonces françaises, etc. S’ils veulent garder aussi l’esprit français, la discipline traditionnelle, s’ils veulent que nous ne soyons simplement « des Américains qui parlent français », ils devront se tourner aussi vers la terre et tâcher d’y retremper notre race urbaine, qui se matérialise dans les affaires et l’amour des aises de l’industrialisme anglo-saxon. La campagne sera toujours le réservoir des forces nationales et pour le nombre et pour la qualité. C’est aux champs que l’âme française résonne de son timbre particulier, qu’elle garde sa modestie, son idéalisme, sa générosité riante, sa gentilhommerie d’un autre âge, son culte des morts et ce catholicisme fervent qui « donne à sa vie une certaine spiritualité malheureusement trop rare en Amérique-nord, » comme l’écrivait en 1914 un journaliste anglais.

En trois mots, si nous voulons garder notre qualité d’âme, peupler la terre de nos pères, et acquérir le nombre