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salut des âmes est plus facile aux champs qu’à la ville ; les élevants spectacles de la belle nature produisent un effet bien autre que les déprimantes visions des rues, et l’on peut découvrir bien des sens au vers du poète :

Qui fait aimer les champs fait aimer la vertu.

De son côté, la bienfaisance ne se limite pas à l’aumône de main à main ; elle est plus large, plus clairvoyante, meilleure organisatrice ; elle aime mieux prévenir que guérir, donner au travailleur des outils plutôt qu’une obole, une terre plutôt que des outils : le consommateur devient ainsi producteur, et c’est toute la communauté qui en profite. « L’intelligence de la science sociale, écrit Le Play, procède du cœur encore plus que de l’esprit.»

Ce que l’Armée du Salut faisait et fera encore pour recruter, conduire et implanter dans l’Ouest canadien, les miséreux des quais de Liverpool et des faubourgs de Londres, notre admirable Saint-Vincent de Paul, qui vient de s’incorporer dans le but d’étendre son œuvre, ne l’essayera-t-elle pas en faveur de nos ouvriers, anciens cultivateurs que vomiront bientôt les usines ?

Pourquoi encore n’obtiendrait-on pas du gouvernement des étendues de bois debout pour y tailler des champs à d’immenses orphelinats agricoles et ménagers, déversoirs des Crèches de nos villes, et pépinières de futurs agriculteurs et — souvenir héroïque de la Nouvelle-France — d’épouses de colon ? Pourquoi ne pas doter de semblable manière des congrégations religieuses, à charge d’y établir sanatoriums, hôpitaux, couvents, collèges, écoles d’agriculture, etc. ? Au moyen-âge, ce sont les monastères qui ont troué d’éclaircies fécondes les épaisses forêts druidiques ; ce sont les moines d’Occident célébrés par Montalembert qui ont défriché une partie de la France, attiré les colons, multiplié les bourgs et les villages : il en sera de