Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/106

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Je dis : « Oui. » Et je pense « Hélas ! Non ! Non ! »

Mais voici qu’il m’appelle, tout à coup. Un grand cerne bistré se creuse autour des yeux souriants. Son front ruisselle d’une sueur livide.

— Venez ! venez, dit-il, il me prend quelque chose de terrible. Sûrement, je vais mourir.

Nous nous empressons autour du pauvre corps paralysé. Le visage seul travaille à traduire l’angoisse. C’est à peine si les mains remuent un peu sur le drap. La mitraille a séparé tout le reste des sources vivantes.

Nous nous empressons, mais je sens son cœur qui chancelle, sa bouche qui fait de rudes efforts pour demander une goutte, une goutte seulement à la coupe immense de l’air.

Peu à peu, il échappe à la géhenne. Je devine que sa main fait un mouvement pour retenir la mienne.

— Restez auprès de moi, me dit-il, j’ai peur…

Je reste auprès de lui. La sueur tarit sur son front. L’affreux malaise s’évanouit. L’air coule à nouveau dans la poitrine misérable. Le doux regard n’a pas cessé de sourire.

— Vous me sauverez quand même, dit-il ; j’ai