Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/108

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C’est vrai : la crise recommence. Elle est terrible. Quoi que nous fassions, elle terrasse la victime, et, cette fois-ci, nous ne pourrons rien…

— Je sens que je vais mourir, dit-il.

Les yeux souriants supplient encore :

— Mais vous me sauverez, vous me sauverez !

Je vois déjà Mercier défiguré par la mort.

Il dit :

— Restez auprès de moi.

Oui ! je resterai auprès de toi, et je serrerai ta main. Ne puis-je faire que cela pour toi ?

Voilà les narines qui battent. Il est dur d’avoir été malheureux pendant quarante ans et de renoncer pour toujours à l’humble joie de sentir l’odeur amère des genévriers...

Voilà les lèvres qui se contractent et retombent peu à peu, si tristement. Il est dur d’avoir souffert pendant quarante ans et de ne pouvoir étancher sa dernière soif avec l’eau merveilleuse des fontaines qui jaillissent sur nos montagnes…

La sueur, la sueur noire coule à nouveau du front blême. Oh ! qu’il est dur de mourir après quarante ans de fatigues, sans avoir pris le temps d’éponger ce front toujours incliné vers la tâche !