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Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/124

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voulaient partir, et l’on voyait des hommes supplier qu’on les emportât et entrer dans l’agonie tout en assurant qu’ils se sentaient assez forts pour voyager…

Quelques-uns racontaient leur histoire ; la plupart demeuraient silencieux. Ils désiraient s’en aller ailleurs… ou surtout dormir, boire. Les besoins naturels prenaient le dessus et leur faisaient oublier la douleur des plaies. Je me souviens d’un malheureux à qui l’on demandait s’il souhaitait quelque chose… Il avait une grave blessure de poitrine et attendait d’être examiné. Il répondit timidement qu’il désirait uriner, et quand l’infirmier revint en courant avec le « pistolet », l’homme était mort.

La grandeur du devoir immédiat nous avait complètement distraits de la bataille voisine et de la tumultueuse canonnade. Pourtant, vers le soir, des détonations formidables secouèrent furieusement les pavillons. Un petit train blindé était venu s’installer non loin de nous. On en voyait sortir le col d’un canon de marine qui, d’instant en instant, lançait une large langue de flamme, avec un bruit de catastrophe.