Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

s’éleva autour de nous qui nous semblait comme un rempart… En fait, l’afflux des blessés décrut. Nous venions de recevoir des hommes qui avaient combattu en rase campagne, comme aux premiers jours de la guerre, mais sous un orage de projectiles réservés jusqu’alors à la destruction des forteresses. Notre camarade D… arrivait du champ de bataille, à pied, livide, soutenant son coude broyé. Il bégayait une histoire tragique : son régiment avait tenu ferme contre un mascaret de feu ; des milliers d’obus énormes étaient tombés dans un étroit ravin, et il avait vu des membres accrochés aux taillis, une dispersion féroce des corps humains. Les hommes étaient restés à leur place, et puis s’étaient battus…

Un quart d’heure après son arrivée, D…, remonté, réconforté, considérait, sur la table d’opération, la large plaie de son bras et nous entretenait calmement de son avenir bouleversé.

Vers le soir de ce jour, nous pûmes sortir du pavillon et respirer, quelques minutes, un air non souillé.

Le bruit était souverain, comme ailleurs le silence. Il remplissait l’espace jusqu’aux nues. Nous en étions imprégnés, et presque ivres…