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Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/184

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Dès son entrée dans la salle de pansements, Grégoire blêmit un peu et la sueur perle sur son front. Sa rude barbe fauve tremble, poil par poil. Je devine tout cela et lui adresse de loin quelques paroles d’encouragement :

— Ton affaire va être réglée en deux minutes, ce matin, Grégoire. Tu n’auras pas le temps de dire ouf !

Il observe un silence grognon, plein de réserve. Il a l’air du condamné qui attend l’instant du supplice. Il est si préoccupé, qu’il ne songe même pas à répondre quand le sarcastique sergent passe devant lui en disant :

— Voilà notre rouspéteur.

Et on le pose enfin sur la table que les blessés appellent « le billard ».

Alors, cela devient pénible. Je sens tout de suite que, quoi que je fasse, Grégoire va souffrir. Je découvre la plaie de sa hanche, et il crie. Je lave la plaie avec prudence, et il crie. Je sonde doucement, bien doucement la plaie d’où sortent de petits morceaux d’os, et il pousse d’inconcevables hurlements. Je vois sa langue qui tremble dans sa bouche ouverte. Ses mains tremblent dans les