Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/185

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mains qui les contiennent. J’ai l’impression que chacune des fibres de son corps tremble, que les rouges bourgeons de la blessure tremblent et se rétractent. Malgré ma résolution, cette misère m’affecte, et je me demande si une espèce de contagion ne va pas me faire trembler aussi. Je lui dis :

— Un peu de patience, mon pauvre Grégoire !

Il répond, d’une voix dénaturée par la peur et la douleur ;

— C’est plus fort que moué !

J’ajoute, pour dire quelque chose :

— Un peu de courage…

Il ne répond même pas, et je comprends que l’engager à montrer du courage, c’est lui conseiller une chose impossible, comme d’avoir les yeux noirs, à lui qui les a d’un bleu pâle.

Le pansement s’achève au milieu d’une gêne générale. Rien ne pourra m’enlever l’idée qu’à cette minute Grégoire me déteste. Pendant qu’on l’emporte, je me demande avec amertume : pourquoi Grégoire est-il ainsi privé de la grâce, pourquoi ne sait-il pas souffrir ?

Le sergent éponge la table en disant :