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Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/186

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— Il y met de la mauvaise volonté.

Eh bien ! le sergent se trompe. Grégoire n’y met pas de mauvaise volonté. Parfois, je devine, à un froncement de ses sourcils, qu’il fait un effort pour résister à la souffrance, pour l’accueillir d’un cœur plus ferme et plus allègre. Mais il ne sait pas faire l’effort nécessaire.

Si l’on vous demandait de soulever une locomotive, vous feriez peut-être aussi un effort ; vous le feriez sans confiance et sans succès. Alors, ne dites pas de mal de Grégoire.

Grégoire ne sait pas souffrir comme on ne sait pas parler une langue étrangère. Seulement, il est plus facile d’apprendre le chinois que d’apprendre le métier de la douleur.

Quand je dis qu’il ne sait pas souffrir, j’entends qu’il souffre, hélas, beaucoup plus que les autres… Je connais la chair humaine, et il y a des signes qui ne me trompent pas.

Grégoire s’y prend mal. Il fait songer aux enfants qui ont si peur des chiens qu’ils sont destinés à être mordus. Grégoire tremble tout de suite ; les chiens de la douleur se jettent sur l’homme sans défense et le terrassent.