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Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/223

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la petite mitraille. Il n’a même pas reçu de plaie à la mesure de son grand corps. Rien que des miettes de fonte. Encore une fois, David a tué Goliath…

Il a mis deux jours à mourir. Ou lui disait : « Veux-tu quelque chose ? » Et il répondait avec des lèvres blanches : « Je vous remercie. » On s’inquiétait : « Comment vas-tu ? » Et il était toujours satisfait : « Ça va fort bien. » Il mourait avec une discrétion, une espèce de modestie, un oubli de soi-même qui rachetaient tout l’égoïsme du monde.

Comme il est lourd ! Il a été frappé pendant qu’il soufflait le feu pour la soupe. Il n’est pas mort en combattant. Il n’a pas prononcé de parole historique. Il est tombé à son poste de cuisinier… Ce n’est pas un héros.

Tu n’es pas un héros, Fumat ! Tu n’es qu’un martyr. Et nous te portons dans la terre de France, rassasiée d’un martyre innombrable.

L’ombre des arbres fauche l’espace à grands coups. La nuit exhale un âcre encens de pourriture froide. Le vent crie pour les funérailles de Fumat.

— Ouvrez la porte, Monsieur Julien.

Le grotesque pousse la porte en grognant. Et