Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/48

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est si léger que, tout à coup, pris d’inquiétude, j’écoute, la bouche ouverte.

Alors Carré montre soudain ses yeux.

Va-t-il soupirer, crier ? Non ! Il fait encore un sourire et dit tout à coup :

— Que vous avez les dents blanches…

Puis il rêve, comme s’il mourait.


*


Avais-tu rêvé pareil martyre, ô frère, alors que tu poussais la charrue sur ton petit bout de terre brune ?

Te voici, agonisant d’une agonie de cinq mois, enfoui dans ce linge livide, vierge même des récompenses que l’on donne…

Il faut que ta poitrine, il faut que ton suaire soient vierges de la moindre des récompenses que l’on donne, Carré !

Il faut que tu aies souffert sans but et sans espoir.

Mais je ne veux pas que toute ta souffrance se perde dans l’abîme. Et c’est pourquoi je la raconte très exactement.