Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il ne dit pas un mot ; il regarde. Le petit peu de son front qu’on voit au-dessous du pansement est ridé d’application, — et il porte les marques bleues où l’on reconnaît les mineurs.

Parfois, c’est aussi son tour de recevoir un pansement. Mais, à peine « servi », il est debout, tablier au ventre, et il s’active silencieusement.

À onze heures, Mehay disparaît. Est-il allé prendre l’air ? Que non ! Le voici de retour avec un grand plateau chargé d’écuelles. Et il fait la « distribution ».

Le soir, il présente le thermomètre. Il aide si bien les infirmiers qu’il leur laisse à peine de besogne.

Pendant ce temps, sous les compresses, les os de son crâne travaillent, et les chairs rouges bourgeonnent. Mais il ne faut pas s’occuper de cela : « Ça se fait tout seul. » L’homme ne peut pourtant pas rester oisif. Il travaille et s’en remet au sang, « qui est sain ».

Le soir, quand une veilleuse éclaire la salle et que j’entre sur la pointe des pieds pour jeter mon dernier coup d’œil, j’entends une voix laborieuse épeler : « B… O… BO, B… I… BI, N… E…NE,