Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

On lui donna une tasse de thé au rhum. Alors il se mit à fredonner :

En courant par les épeignes
J’métios fait un écourchon,
Et en courant par les épeignes
Et en courant après not’couchon.

— Toi, lui dit Monsieur Boussin, toi, tu es un homme. Viens voir ici…

Gautreau pénétra dans la salle d’opérations en disant :

— Ça fait drôle de marcher sur le sec en sortant du margouillat. Vous pouvez voir : c’est guère qu’un écourchon. Maintenant, on sait jamais : peut rester des berluques là-nedans.

Le père Boussin sonda la plaie et sentit l’os fêlé. C’était un vieux chirurgien qui avait ses idées sur la douleur et le courage. Il décida :

— Je suis pressé ; tu es un homme. J’ai quelque petite chose à te faire. Tu vas t’agenouiller là et ne pas bouger.

Quelques minutes après, Gautreau était à genoux, cramponné au pied de la table. Il avait la tête couverte de linges sanglants et le père Boussin, ciseau