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Page:Duhem - ΣΩΖΕΙΝ ΤΑ ΦΑΙΝΟΜΕΝΑ.djvu/138

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Les deux propositions censurées ne présentaient ni l'un ni l'autre des deux caractères qui doivent signaler toute hypothèse astronomique recevable ; il les fallait donc entièrement rejeter, n’en pas user même dans le seul but de sauver les phénomènes ; aussi le Saint-Office faisait-il défense à Galilée d’enseigner d’aucune manière la doctrine de Copernic.

La condamnation portée par le Saint-Office était la conséquence du choc qui s’était produit entre deux réalismes. Ce heurt violent eût pu être évité, le débat entre les Ptoléméens et les Copernicains eût pu être maintenu sur le seul terrain de l'Astronomie, si l'on eût écouté de sages préceptes touchant la nature des théories scientifiques et des hypothèses sur lesquelles elles reposent ; ces préceptes, formulés par Posidonius, par Ptolémée, par Proclus, par Simplicius, une tradition ininterrompue les avait conduits jusqu’à Osiander, à Reinhold, à Mélanchthon ; mais ils semblaient maintenant bien oubliés.

Il se trouva cependant des voix autorisées pour les faire entendre de nouveau.

L’une de ces voix fut celle du Cardinal Bellarmin, de celui-là même qui allait, en 1616, examiner les écrits copernicains de Galilée et de Foscarini ; dès le 12 avril 1615, Bellarmin avait écrit à Foscarini une lettre1 pleine de sagesse et de prudence, dont voici quelques passages :

« Il me semble que Votre Paternité et le Seigneur Galilée agiraient prudemment en se contentant de parler ex suppositione, et non pas d’une manière absolue, comme j’ai toujours cru qu’avait parlé Copernic. Dire qu’en supposant la Terre en mouvement et le Soleil immobile, on sauve toutes les apparences mieux que ne le pourraient faire les excentriques et les épicycles, c’est très bien dire ; cela n’offre aucun danger et cela suffit au mathématicien. Mais vouloir affirmer que le Soleil demeure réellement

1. Cette lettre a été publiée pour la première fois dans l'ouvrage suivant : DOMENICO BERTI, Copernico e le vicende del sistema copernicano in Italia nella seconda metà del secolo XVI e nella prima del secolo XVII ; Roma, 1876 ; pp. 121-125.