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C’est folie de croire que le contrôle de l’expérience peut transformer en vérités d’immédiate aperception les hypothèses sur lesquelles repose une théorie ; c’est folie plus grande encore de s’attacher à un système métaphysique au point d’en maintenir les conséquences en dépit des démentis de l’expérience ; c’est l’excès, cependant, auquel paraît s’être porté Roger Bacon.

Nous savons que Roger Bacon avait inséré, en une partie, aujourd’hui perdue, de l’Opus minus, un exposé des mouvements des corps célestes. Des considérations, trop éloignées de notre objet pour trouver place en cet article, nous portent à reconnaître cet exposé en un fragment de la marquetterie que Bacon a composée avec diverses parties de ses ouvrages antérieurs et qu’il a intitulée : Communia naturalia.

Le premier des trois chapitres qui composent ce fragment[1] est consacré à la comparaison des deux systèmes astronomiques de Ptolémée et d’Al-Bitrogi. Ce chapitre, où se trouvent textuellement enchâssés des passages très caractéristiques du Tractatus super totam Astrologiam de Bernard de Verdun, a parfois l’allure d’une polémique dirigée contre cet ouvrage[2]. « Ceux, dit Bacon, qui ont l’intention de détruire les épicycles et les excentriques, disent qu’il vaut mieux sauver l’ordre de la Nature et contredire au sens, qui se trouve si souvent en défaut, surtout dans les cas où intervient une grande distance ; il vaut mieux, à leur avis, laisser sans solution quelque sophisme difficile à résoudre que de supposer sciemment ce qui est contraire à la Nature. »

Poursuivant son exposé, Bacon revient à cette même pensée qu’il semble bien, cette fois, faire sienne : « Les mathématiciens-physiciens, ceux qui suivent les voies de

  1. Incipit liber primus communium naturalium Fratris Rogeri BaconIncipit secundus liber communium naturalium, qui est de celestibus, aut de celo et mundoIncipit quinta pars secundi libri naturalium… Capitulum xviium (Bibliothèque Mazarine ms. No3576, fol. 130).
  2. Depuis la rédaction de ce travail, de nouvelles recherches nous ont convaincu que ce sont les écrits de Roger Bacon qui ont précédé et inspiré le traité de Bernard de Verdun ; ce que nous disons ici de l’opposition entre les opinions de ces deux Franciscains n’en subsiste pas moins.