Page:Duhem - L'évolution de la mécanique, 1905.djvu/10

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frent à sa vue ; l'entrée de chacune d'elles s'ouvre large, bien aplanie ; mais à peine y a-t-on parcouru quelque chemin que l'on voit la chaussée se resserrer, le tracé de la route devenir indécis ; bientôt, on n'aperçoit plus qu'un étroit sentier, à demi effacé sous les ronces, coupé de fondrières, bordé d'abîmes. Parmi ces sentiers, quels sont ceux qui vont se perdre en quelque aride solitude, qui s'arrêtent court au borde d'un précipice ? Où est celui qui mène au terme désiré, qui deviendra un jour la route royale ? La Mécanique hésite, anxieuse, elle prête l'oreille à ceux qui la prétendent guider, elle pèse leurs avis discordants et ne sait encore auquel se confier.

Le directeur de la Revue générale des Sciences a désiré que l'état d'incertitude où flotte la Mécanique rationnelle fût exposé aux lecteurs de cette Revue, en une suite d'articles d'une ampleur inusitée[1] ; il m'a fait le très grand honneur de me confier cet exposé, origine du présent livre. Certes, cet état de doute est, pour tout homme qui pense, un objet bien digne de méditation ; car, du sort de la Mécanique, de la méthode selon laquelle elle développera ses théories, dépend la forme même de toute la Philosophie naturelle.

En énumérant les voies diverses qui, tour à tour,

  1. Ces articles ont été publiés dans la Revue Générale des Sciences le 30 janvier, le 15 février, le 28 février, le 15 mars, le 30 mars, le 15 avril et le 30 avril 1903. Qu'il nous soit permis de remercier ici M. L. Olivier de sa large hospitalité.