Page:Duhem - L'évolution de la mécanique, 1905.djvu/11

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sollicitent les préférences de la Mécanique, en supputant les chances qu’à chacune d’elles de conduire à la solution des problèmes posés par la Physique, je ne me piquerai pas d’impartialité. Parmi ces routes, il en est une à laquelle je travaille depuis vingt ans, consacrant tous mes efforts à la prolonger, à l’aplanir, à la déblayer, à la rendre plus droite et plus sûre. Puis-je croire qu’au vain labeur de ceux qui en ont donné le premier tracé je n’ai fait qu’ajouter une peine inutile ? Puis-je supposer que la Mécanique marchera dans une autre direction ?

L’impartialité, d’ailleurs, est requise d’un juge ; mais, entre les diverses tendances qui sollicitent la Mécanique, il n’est pas ici question de décider. C’est au fruit qu’on juge l’arbre ; or, l’arbre de la Science croit avec une extrême lenteur ; des siècles s’écoulent avant qu’il soit possible de cueillir le fruit mûr ; à peine aujourd’hui nous est-il permis d’exprimer et d’apprécier le suc des doctrines qui fleurissent au XVIIe siècle.

Celui qui sème ne peut donc juger ce que vaut la graine, mais il faut qu’il ait foi dans la fécondité de la semence, afin que, sans défaillance, il suive le sillon qu’il a choisi, jetant des idées aux quatre vents du ciel.