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l’objet de la théorie physique

règles de l’algèbre, imite plus ou moins fidèlement les lois des phénomènes que l’on veut étudier, comme les imiterait un agencement de corps divers se mouvant selon les lois de la Mécanique.

Lors donc qu’un physicien français ou allemand introduit les définitions qui lui permettront de substituer un calcul algébrique à une déduction logique, il le doit faire avec un soin extrême, sous peine de perdre la rigueur et l’exactitude qu’il eût exigées de ses syllogismes. Lorsqu’au contraire W. Thomson propose un modèle mécanique d’un ensemble de phénomènes, il ne s’impose pas des raisonnements bien minutieux pour établir un rapprochement entre cet agencement de corps concrets et les lois physiques qu’il est appelé à représenter ; l’imagination, que seule le modèle intéresse, sera seule juge de la ressemblance entre la figure et l’objet figuré. Ainsi fait Maxwell ; aux intuitions de la faculté imaginative il laisse le soin de comparer les lois physiques et le modèle algébrique qui les doit imiter ; sans s’attarder à cette comparaison, il suit le jeu de ce modèle ; il combine les équations de l’Électrodynamique sans chercher le plus souvent, sous chacune de ces combinaisons, une coordination de lois physiques.

Le physicien français ou allemand est, le plus souvent, déconcerté par une telle conception de la Physique mathématique ; il ne songe pas qu’il a simplement devant lui un modèle monté pour saisir son imagination, et non pour satisfaire sa raison ; il persiste à chercher sous les transformations algébriques une suite de déductions qui conduisent d’hypothèses nettement formulées à des conséquences vérifiables par l’expé-