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l’objet de la théorie physique

nette. La Thermodynamique abstraite en a fourni tout d’abord à Gibbs les équations fondamentales ; la Thermodynamique a également été le seul guide de M. J.-H. Van’t Hoff au cours de ses premiers travaux, tandis que l’induction expérimentale fournissait à Raoult les lois nécessaires au progrès de la nouvelle doctrine ; celle-ci était adulte et vigoureusement constituée lorsque les modèles mécaniques et les hypothèses cinétiques sont venues lui apporter un concours qu’elle ne réclamait point, dont elle n’avait que faire et dont elle n’a tiré aucun parti.

Avant donc d’attribuer l’invention d’une théorie aux modèles mécaniques qui l’encombrent aujourd’hui, il convient de s’assurer que ces modèles ont vraiment présidé ou aidé à sa naissance, qu’ils ne sont point venus, comme une végétation parasite, se cramponner à un arbre déjà robuste et plein de vie.

Il convient également, si l’on veut apprécier avec exactitude la fécondité que peut avoir l’emploi de modèles de ne point confondre cet emploi avec l’usage de l’analogie.

Le physicien qui cherche à réunir et à classer en une théorie abstraite les lois d’une certaine catégorie de phénomènes, se laisse très souvent guider par l’analogie qu’il entrevoit entre ces phénomènes et les phénomènes d’une autre catégorie ; si ces derniers se trouvent déjà ordonnés et organisés en une théorie satisfaisante, le physicien essayera de grouper les premiers en un système de même type et de même forme.

L’histoire de la Physique nous montre que la recherche des analogies entre deux catégories distinctes