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quantité et qualité

Les qualités chassées de la Géométrie, il les faut maintenant bannir de la Physique ; pour y parvenir, il suffit de réduire la Physique aux Mathématiques, devenues la Science de la seule quantité ; c’est l’œuvre que Descartes va tenter d’accomplir.

« Je ne reçois point de principes en Physique, dit-il, qui ne soient aussi reçus en Mathématiques. » — « Car je professe[1] nettement ne reconnaître aucune autre substance aux choses matérielles que cette matière susceptible de toutes sortes de divisions, figures et mouvements que les géomètres nomment quantité et qu’ils prennent pour objet de leurs démonstrations ; et, en cette matière, je ne considère absolument rien que ces divisions, ces figures et ces mouvements ; à leur sujet, je n’admets rien comme vrai qui ne se puisse déduire des notions communes dont il nous est impossible de douter, d’une façon si évidente, que cette déduction soit équivalente à une démonstration mathématique. Et comme tous les phénomènes de la nature se peuvent expliquer de la sorte, ainsi qu’on le verra par la suite, je pense que l’on ne doit point recevoir d’autres principes de Physique, ni en souhaiter d’autres. »

Qu’est-ce donc tout d’abord que la matière ? « Sa nature ne consiste pas[2] en la dureté, ni aussi en la pesanteur, chaleur, et autres qualités de ce genre », mais seulement en « l’étendue, en longueur, largeur et profondeur », en ce « que les géomètres nomment quantité » ou volume. La matière est donc quantité ;

  1. Descartes : Principia Philosophiae, Pars II, art. lxiv.
  2. Idem, Ibid, Pars II, art. iv.