Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/23

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Selon la Philosophie naturelle que Boscovich[1] a tirée des principes de Newton et de ses disciples, expliquer les lois des actions que l’aimant exerce sur le fer par une altération magnétique de la forme substantielle du fer, c’est ne rien expliquer du tout ; c’est proprement dissimuler notre ignorance de la réalité sous des mots d’autant plus sonores qu’ils sont plus creux.

La substance matérielle ne se compose pas de matière et de forme ; elle se résout en un nombre immense de points, privés d’étendue et de figure, mais doués de masse ; entre deux quelconques de ces points s’exerce une mutuelle action, attractive ou répulsive, proportionnelle au produit des masses des deux points et à une certaine fonction de la distance qui les sépare. Parmi ces points, il en est qui forment les corps proprement dits ; entre ces points-là, s’exerce une action mutuelle ; aussitôt que leur distance surpasse une certaine limite, cette action se réduit à la gravité universelle étudiée par Newton. D’autres, dépourvus de cette action de gravité, composent des fluides impondérables, tels que les fluides électriques et le fluide calorifique. Des suppositions convenables sur les masses de tous ces points matériels, sur leur distribution, sur la forme des fonctions de la distance dont dépendent leurs mutuelles actions, devront rendre compte de tous les phénomènes physiques.

Par exemple, pour expliquer les effets magnétiques, on imagine que chaque molécule de fer porte des masses égales de fluide magnétique austral et de fluide

  1. Theoria philosophiæ naturalis redacta ad unicam legem virium in natura existentium, auctore P. Rogerio Josepho Boscovich, Societatis Jesu, Viennæ, MDCCLVIII.