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déduction mathématique et théorie physique

déduction mathématique, une infinité de faits théoriques se présentent comme conséquences possibles de notre expérience ; en traduisant ces faits théoriques en langage concret, il pourra se faire que nous obtenions non plus un fait pratique unique, mais plusieurs faits pratiques que la sensibilité de nos instruments nous permettra de distinguer les uns des autres. Il pourra se faire, par exemple, que les diverses valeurs numériques données par notre formule thermodynamique pour le point de fusion de la glace présentent de l’une à l’autre un écart atteignant un dixième de degré, ou même un degré, tandis que notre thermomètre nous permet d’apprécier le centième de degré. Dans ce cas, la déduction mathématique aura perdu son utilité ; les conditions d’une expérience étant pratiquement données, nous ne pourrons plus annoncer, d’une manière pratiquement déterminée, le résultat qui doit être observé.

Une déduction mathématique, issue des hypothèses sur lesquelles repose une théorie, peut donc être utile ou oiseuse selon que des conditions pratiquement données d’une expérience elle permet ou non de tirer la prévision pratiquement déterminée du résultat.

Cette appréciation de l’utilité d’une déduction mathématique n’est pas toujours absolue ; elle dépend du degré de sensibilité des appareils qui doivent servir à observer le résultat de l’expérience. Supposons, par exemple, qu’aune pression pratiquement donnée, notre formule thermodynamique fasse correspondre un faisceau de points de fusion de la glace ; qu’entre deux de ces points de fusion, la différence surpasse parfois un centième de degré, mais qu’elle n’atteigne jamais un