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la structure de la théorie physique

tions de l’Électromagnétisme et de l’induction établies par Ampère, par F.-E. Neumann, par W. Weber. Pas un des mots qui servent à énoncer le résultat d’une telle expérience n’exprime directement un objet visible et tangible ; chacun d’eux a un sens abstrait et symbolique ; ce sens n’est relié aux réalités concrètes que par des intermédiaires théoriques longs et compliqués.

Insistons sur ces remarques si importantes à la claire intelligence de la Physique et, cependant, si souvent méconnues.

En l’énoncé d’un résultat d’expérience semblable à celui que nous venons de rappeler, celui qui ignore la Physique, et pour lequel un semblable énoncé demeure lettre morte, pourrait être tenté de voir un simple exposé, en un langage technique, insaisissable aux profanes, mais clair aux initiés, des faits que l’expérimentateur a observés. Ce serait une erreur.

Je suis sur un voilier. J’entends l’officier de quart lancer ce commandement : « Au bras et boulines partout, brassez ! » Étranger aux choses de la marine, je ne comprends pas ces paroles ; mais je vois les hommes de l’équipage courir à des postes assignés d’avance, saisir des cordes déterminées et hâler en mesure sur ces cordes. Les mots que l’officier a prononcés désignent, pour eux, des objets concrets bien déterminés, éveillent en leur esprit l’idée d’une manœuvre connue à accomplir. Tel est, pour l’initié, l’eflet du langage technique.

Tout autre est le langage du physicien. Supposons que, devant un physicien, on prononce cette phrase : Si l’on fait croître la pression de tant d’atmosphères,