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la structure de la théorie physique

simplement ce qu’il y a d’universel dans chacun des cas particuliers auxquels la loi s’applique ; aussi, dans chacun des cas particuliers où nous appliquons la loi, trouverons-nous des objets concrets où seront réalisées ces idées abstraites ; chaque fois que nous aurons à constater que tout homme est mortel, nous nous trouverons en présence d’un certain homme particulier incarnant l’idée générale d’homme, d’une certaine mort particulière impliquant l’idée générale de mort.

Prenons encore une autre loi, citée comme exemple par M. G. Milhaud[1], lorsqu’il a exposé ces idées, émises par nous peu auparavant ; c’est une loi dont l’objet appartient au domaine de la Physique ; mais elle garde la forme qu’avaient les lois de la Physique lorsque cette branche de connaissances n’était encore qu’une dépendance du sens commun et n’avait point acquis la dignité de science rationnelle.

Voici cette loi : Avant d’entendre le tonnerre, on voit briller l’éclair. Les idées de tonnerre et d’éclair que relie cet énoncé sont bien des idées abstraites et générales ; mais ces abstractions sont tirées si instinctivement, si naturellement, des données particulières, qu’en chaque coup de foudre nous percevons un éblouissement et un roulement où nous reconnaissons immédiatement la forme concrète de nos idées d’éclair et de tonnerre.

Il n’en est plus de même pour les lois de la Physique. Prenons une de ces lois, la loi de Mariotte, et examinons-en l’énoncé, sans nous soucier, pour le

  1. G. Milhaud : La Science rationnelle Revue de Métaphysique et de Morale, 4e année, 1896, p. 280). — Reproduit dans le Rationnel, Paris, 1898, p. 44.