Page:Duhem - La Théorie physique, 1906.djvu/31

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théorie fussent déduits de la Métaphysique que professe cette École ; s’il est fait appel, au cours de l’explication d’un phénomène physique, à quelque loi que cette Métaphysique est impuissante à justifier, l’explication sera non avenue, la théorie physique aura manqué son but.

Or, aucune Métaphysique ne donne d’enseignements assez précis, assez détaillés, pour que, de ces enseignements, il soit possible de tirer tous les éléments d’une théorie physique.

En effet, les enseignements qu’une doctrine métaphysique fournit touchant la véritable nature des corps consistent le plus souvent en négations. Les péripatéticiens, comme les cartésiens, nient la possibilité d’un espace vide ; les newtoniens rejettent toute qualité qui ne se réduit pas à une force exercée entre points matériels ; les atomistes et les cartésiens nient toute action à distance ; les cartésiens ne reconnaissent, entre les diverses parties de la matière, aucune autre distinction que la figure et le mouvement.

Toutes ces négations sont propres à argumenter lorsqu’il s’agit de condamner une théorie proposée par une École adverse ; mais elles paraissent singulièrement stériles lorsqu’on en veut tirer les principes d’une théorie physique.

Descartes, par exemple, nie qu’il y ait en la matière autre chose que l’étendue en longueur, largeur et profondeur et ses divers modes, c’est-à-dire des figures et des mouvements ; mais, avec ces seules données, il ne peut même ébaucher l’explication d’une loi physique.

À tout le moins lui faudrait-il, avant d’essayer la