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la théorie physique et l’expérience


§ II. — Qu’une expérience de Physique ne peut jamais condamner une hypothèse isolée, mais seulement tout un ensemble théorique.

Le physicien qui exécute une expérience ou en rend compte reconnaît implicitement l’exactitude de tout un ensemble de théories. Admettons ce principe et voyons quelles conséquences on en peut déduire lorsqu’on cherche à apprécier le rôle et la portée logique d’une expérience de Physique.

Pour éviter toute confusion, nous distinguerons deux sortes d’expériences : les expériences d’application, dont nous dirons un mot tout d’abord, et les expériences d’épreuve, qui doivent surtout nous occuper.

Vous êtes en présence d’un problème de Physique à résoudre pratiquement ; pour produire tel ou tel effet, vous voulez faire usage des connaissances acquises par les physiciens ; vous voulez, par exemple, allumer une lampe électrique à incandescence ; les théories admises vous indiquent le moyen de résoudre le problème ; mais pour faire usage de ce moyen, vous devez vous procurer certains renseignements ; vous devez, je suppose, déterminer la force électromotrice de la batterie d’accumulateurs dont vous disposez ; vous mesurez cette force électromotrice : voilà une expérience d’application ; cette expérience n’a pas pour but de reconnaître si les théories admises sont ou ne sont pas exactes ; elle se propose simplement de tirer parti de ces théories ; pour l’effectuer, vous faites usage d’instruments que légitiment ces mêmes théories ; il n’y a rien là qui choque la logique.