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la structure de la théorie physique

traduction sans formuler aucun postulat nouveau, et il serait absurde d’y prétendre.

La nécessité où se trouve le physicien de traduire symboliquement les faits d’expérience avant de les introduire dans ses raisonnements lui rend impraticable la voie purement inductive qu’Ampère a tracée ; cette voie lui est également interdite parce que chacune des lois observées n’est point exacte, mais simplement approchée.

L’approximation des expériences d’Ampère est des plus grossières. Des faits observés il donne une traduction symbolique propre au progrès de sa théorie ; mais combien il lui eût été facile de profiter de l’incertitude des observations pour en donner une traduction toute différente ! Écoutons Wilhelm Weber[1] :

« Ampère a tenu à indiquer expressément, dans le titre de son Mémoire, que sa théorie mathématique des phénomènes électrodynamiques est uniquement déduite de l’expérience, et l’on y trouve, en effet, exposée en détail, la méthode, aussi simple qu’ingénieuse, qui l’a conduit à son but. On y trouve, avec toute l’étendue et la précision désirables, l’exposé de ses expériences, les déductions qu’il en tire pour la théorie et la description des instruments qu’il emploie. Mais, dans des expériences fondamentales, comme celles dont il est question ici, il ne suffit pas d’indiquer le sens général d’une expérience, de décrire les instruments qui ont servi à l’exécuter et de dire, d’une

  1. Wilhelm Weber : Elektrodijnamische Maassbestimmungen, Leipzig, 1846. — Traduit dans la Collection de Mémoires relalifs à la Physique, publiés par la Société française de Physique ; tome III : Mémoires sur l’Électrodynamique.