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la structuture de la physique

de respecter scrupuleusement les lois que la Logique impose à tout raisonnement déductif, les règles que l’Algèbre prescrit à toute opération mathématique.

Les symboles mathématiques dont use la théorie n’ont de sens que dans des conditions bien déterminées ; définir ces symboles, c’est énumérer ces conditions. Hors de ces conditions, la théorie s’interdira de faire usage de ces signes. Ainsi, par définition, une température absolue ne peut être que positive, la masse d’un corps est invariable ; jamais, dans ses formules, la théorie ne donnera à la température absolue une valeur nulle ou négative ; jamais, dans ses calculs, elle ne fera varier la masse d’un corps déterminé.

La théorie a pour principe des postulats, c’est-à-dire des propositions qu’il lui est loisible d’énoncer comme il lui plaît, pourvu qu’il n’y ait contradiction ni entre les termes d’un même postulat, ni entre deux postulats distincts. Mais une fois ces postulats posés, elle est tenue de les garder avec une jalouse rigueur. Si, par exemple, elle a placé le principe de la conservation de l’énergie à la base de son système, elle doit s’interdire toute affirmation en désaccord avec ce principe.

Ces règles s’imposent de tout leur poids à une théorie physique qui se construit ; un seul manquement rendrait le système illogique et nous obligerait à le renverser pour en rebâtir un autre ; mais elles s’imposent seules. Au cours de son développement, une théorie physique est libre de choisir la voie qui lui plaît, pourvu qu’elle évite toute contradiction logique ; en particulier, elle est libre de ne tenir aucun compte des faits d’expérience.