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la structure de la théorie physique

de la Terre, mais le centre de gravité de toute la masse terrestre, qui doit se trouver au centre du Monde pour que la Terre demeure immobile. La gravité s’exerce entre deux points, ressemblant ainsi aux actions de pôle à pôle par lesquelles on a si longtemps représenté les propriétés des aimants.

Contenue en germe dans un passage de Simplicius, commentant le De Cœlo d’Aristote, cette doctrine est formulée avec ampleur, au milieu du xive siècle, par un des docteurs qui illustrent, à cette époque, l’École nominaliste de la Sorbonne, par Albert de Saxe ; après Albert de Saxe, et selon son enseignement, elle est adoptée et exposée par les plus puissants esprits de l’École, par Thimon le Juif, par Marsile d’Inghen, par Pierre d’Ailly, par Nipho[1].

Après avoir suggéré à Léonard de Vinci quelques-unes de ses pensées les plus originales[2], la doctrine d’Albert de Saxe prolonge bien au-delà du moyen âge sa puissante influence. Guido-Ubaldo del Monte la formule clairement[3] : « Lorsque nous disons qu’un grave désire par une propension naturelle se placer au centre de l’Univers, nous voulons exprimer que le propre centre de gravité de ce corps pesant désire s’unir au centre de l’Univers. » Cette doctrine d’Albert de

  1. On trouvera l’histoire détaillée de cette doctrine en notre écrit sur Les origines de la Statique, au chapitre xv intitulé : Les propriétés mécaniques du centre de gravité. — D’Albert de Saxe à Torricelli. Ce chapitre sera prochainement publié dans la Revue des Questions scientifiques.
  2. Cf. P. Duhem : Albert de Saxe et Léonard de Vinci. (Bulletin italien, t. V, p. 1, et p. 123 ; 1905.)
  3. Guidi Ubaldi e Marchionibus Montis In duos Archimedis æquiponderantium libros paraphrasis, scholiis illustrata, Pisauri, 1588, p. 10.