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la structure de la théorie physique

elles prennent la figure sphérique. Dès lors, ne devons-nous pas croire que si la Lune, le Soleil et les autres grands corps qui composent le Monde sont également de figure ronde, ce n’est pas par une autre raison qu’un instinct concordant et qu’un concours naturel de toutes leurs parties ? De sorte que si l’une de ces parties se trouvait, par quelque violence, séparée de son tout, n’est-il pas raisonnable de croire qu’elle y retournerait spontanément et par instinct naturel ? »

Certes, entre une telle doctrine et la théorie d’Aristote, la divergence est profonde ; Aristote repoussait avec force la doctrine des anciens physiologues qui, comme Empédocle, voyaient dans la pesanteur une sympathie du semblable pour son semblable ; au IVe livre du De Cœlo, il affirmait que les graves tombent non pour s’unir à la Terre, mais pour s’unir au centre de l’Univers ; que si la Terre, arrachée de son lieu, se trouvait retenue en l’orbite de la Lune, les pierres tomberaient non sur la Terre, mais au centre du Monde.

Et cependant, de la doctrine d’Aristote, les Copernicains gardent tout ce qu’ils peuvent conserver ; pour eux, comme pour le Stagirite, la gravité est une tendance innée dans le corps grave, et non une attraction violente exercée par un corps étranger ; pour eux, comme pour le Stagirite, cette tendance désire un point mathématique, centre de la Terre ou centre de l’astre auquel appartient le corps étudié ; pour eux, comme pour le Stagirite, cette tendance de toutes les parties vers un point est la raison de la figure sphérique de chacun des corps célestes.