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la structure de la théorie physique

La gravité n’est pas une action, c’est une passion de la pierre qui est tirée. »

« Un point mathématique[1], que ce soit le centre du Monde ou que ce soit un autre point, ne saurait mouvoir effectivement les graves ; il ne saurait non plus être l’objet vers lequel ils tendent. Que les physiciens prouvent donc qu’une telle force peut appartenir à un point, qui n’est pas un corps, et qui n’est conçu que d’une manière toute relative ! »

« Il est impossible que la forme substantielle de la pierre, mettant en mouvement le corps de cette pierre, cherche un point mathématique, le centre du Monde, par exemple, sans souci du corps dans lequel se trouve ce point. Que les physiciens démontrent donc que les choses naturelles ont de la sympathie pour ce qui n’existe pas ! »

« …Voici la vraie doctrine de la gravité : La gravité est une affection mutuelle entre corps parents, qui tend à les unir et à les conjoindre ; la faculté magnétique est une propriété du même ordre ; c’est la Terre qui attire la pierre, bien plutôt que la pierre ne tend vers la Terre. Même si nous placions le centre de la Terre au centre du Monde, ce n’est pas vers ce centre du Monde que les graves se porteraient, mais vers le centre du corps rond auquel ils sont apparentés, c’est-à-dire vers le centre de la Terre. Aussi, en quelque lieu que l’on transporte la Terre, c’est toujours vers elle que les graves seront portés, grâce à la faculté qui l’anime. Si la Terre n’était point ronde, les graves

  1. Joannis Kepleri De motibus stellae Martis commentarii, Pragæ, 1609. — Kepleri Opera omnia, t. III, p. 151.