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la structure de la théorie physique

Duret mentionne[1], sans d’ailleurs l’adopter, l’opinion de Lucius Bellantius : « Cest aucteur asseure que la Lune attire les eaux de la mer, non par les rayons de sa lumière, mais par la vertu et puissance de certaines siennes propriétés occultes ; ainsi comme l’aymant faict le fer. »

Gilbert, enfin, professe[2] que « la Lune n’agit point sur la mer par ses rayons, par sa lumière. Comment donc agit-elle ? Par la conspiration des deux corps, et, pour expliquer ma pensée à l’aide d’une analogie, par attraction magnétique. »

Cette action de la Lune sur les eaux de la mer appartient, d’ailleurs, à ces tendances sympathiques du semblable vers le semblable, auxquelles les Coperniciens ont demandé la raison d’être de la gravité. Tout corps a une forme substantielle telle qu’il tend à s’unir à un autre corps de même nature ; il est donc naturel que l’eau de la mer s’efforce de rejoindre la Lune qui, pour les astrologues comme pour les médecins, est l’astre humide par excellence.

Ptolémée, dans son Opus quadripartitum, Albumasar, dans son Introdiictorium magnum attribuent à Saturne la propriété d’engendrer le froid ; à Jupiter, le tempéré ; à Mars, la chaleur ardente ; à la Lune, l’humidité ; son action sur les eaux de la mer est donc une sympathie entre deux corps de même famille, une cognata virtus, comme dit l’auteur arabe.

Ces doctrines sont conservées par les médecins et les

  1. Claude Duret : Discours de la vérité des causes et effects de divers cours, mouvemens, flux et reflux de la mer océane, mer méditerannée et autres mers de la Terre. Paris, 1600, p. 204.
  2. Gulielmi Gilberti De mundo nostro philosophia nova, p. 307.