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le choix des hypothèses

d’attirer à elle les eaux qui la recouvrent, les ondes marines s’élèveraient toutes et s’écouleraient vers le corps de la Lune. »

Ces opinions ont séduit plus d’un physicien ; le 1er septembre 1631, Mersenne écrivait[1] à Jean Rey : « Je ne doubte nullement que les pierres qu’un homme jetterait en haut estant sur la Lune, ne retombassent sur la dite Lune, bien qu’il eust la teste de nostre costé ; car elles retombent à Terre, parce qu’elles en sont plus proches que des autres systèmes. » Mais Jean Rey n’accueille point favorablement cette manière de voir, empruntée à Kepler ; le premier de l’an 1632, il répond[2] à Mersenne : « Vous ne doubtez nullement, dites vous, que les pierres qu’un homme jetterait en haut estant sur la Lune, ne retombassent sur ladite Lune, bien qu’il eust la teste de nostre costé. Je ne vois pas que cela me choque en rien ; si faut il que je vous dise franchement, que je croi tout le contraire ; car je présuppose que vous entendés parler des pierres prinses d’ici (peut-être aussi ne s’en trouverait il pas dans la Lune). Or, telles pierres n’ont point d’autre inclination que de se porter à leur centre, qui est celui de la Terre ; elles viendront vers nous avecques l’homme qui les jetteroit, s’il estoit de nos conterranés, justifiant en cela la vérité de ce dire : Nescio qua natale solum dulcedine cunctos allicit. Et s’il arrivait qu’elle fussent attirées par la Lune, comme par un aimant (de quoi vous devez aussi bien doubter que de la Terre),

  1. Essays de Jean Rey, Docteur en médecine, sur la recherche de la cause pour laquelle l’estain et le plomb augmentent de poids quand on les calcine. Nouvelle édition (augmentée de la correspondance de Mersenne et de Jean Rey), Paris, 1717, p. 109.
  2. Essays de Jean Rey, Docteur en médecine, sur la recherche de la cause pour laquelle l’estain et le plomb augmentent de poids quand on les calcine. Nouvelle édition (augmentée de la correspondance de Mersenne et de Jean Rey), Paris, 1717, p. 109.